* J’ai testé pour vous : le NHS (joies et douleurs du système de santé anglais)

Cher lecteur, si tu t’opposes farouchement à l’expérimentation animale, cet article – et ce blog en général – n’est pas pour toi. Faute de cobaye, une grenouille a fait les frais de sa propre curiosité scientifique.

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Le mot du jour : NHS (èneille tchèsse) – explication ci-dessous

L’année en Erasmus est, après tout, aussi riche en expériences nouvelles que l’étudiant concerné le souhaite. Qu’il se trouve à Pékin où à Helsinki, il peut très bien se cantonner à la biture/bamboche perpétuelle, à la fréquentation du même café Starbeuks avec ses compatriotes ou au visionnage intensif de séries américaines en VF.

Mais tel n’est pas l’esprit de ce blog. Pour toi lecteur, la rédaction aura exploré de nouveaux territoires, sacrifié à plusieurs traditions locales, tenté de percer quelques mystères anthropologiques ou culturels et aura prêté attention à tous les petits détails et surprises que lui réservait la vie quotidienne dans cet étrange pays qu’est l’Angleterre (c’était le paragraphe le plus éhontément autopublicitaire de la blogosphère ; vous pouvez à présent procéder à quelques applaudissements d’admiration ironique).

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Pour toi, lecteur, nous aurons poussé les limites de l’investigation journalistique, car aujourd’hui, nous te délivrons les conclusions d’une enquête qui a impliqué la santé de Froggie.

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Blogueur : un métier exigeant

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NHS. National Health Service. Trois lettres qui recouvrent un pharaonique casse-tête administratif, économique, social et politique. En France, on a donné un petit nom mignon au système assurant la santé du citoyen, peut-être parce qu’au fond, on l’aime bien, notre « Sécu », malgré le trou béant dans son flanc d’infirme (« Sécu déficitaire » = pléonasme). Au Royaume-Uni, c’est par un nom un peu cryptique, un sigle froid et abstrait qu’on fait référence au monstre. Comme pour noyer le poisson ou le serpent de mer. Comme pour le tenir à distance – un peu comme les SDF en France.

L’enquête. En octobre, après incubation de quelque virus ou germe malfaisant, Froggie s’est fendu d’un joli malaise au milieu de la bibliothèque. On vous passera les détails organiques, mais après un temps indéterminé, une étudiante a découvert l’amphibien gisant dans un coin un peu retiré, en face des toilettes – honte à elle, Froggie n’a pas suffisamment eu le sens du spectacle pour tourner de l’œil devant tout le monde (les grenouilles se cachent pour s’évanouir).

Image Bref, des ambulanciers sont venus, et par mesure de sûreté, ont embarqué la loque direction l’hôpital pour un check up – ladite loque, d’ailleurs, n’a pas trop eu son mot à dire.

Après un passage éclair dans un sas où ses constantes vitales ont été mesurées, Froggie, toute flageollante sur ses pattes qu’elle soit, est priée de dégager de la civière à roulettes pour aller s’asseoir dans une salle voisine. Une salle commune, avec six espaces à peine séparés par de fins rideaux sur les côtés. Devant, pas de séparation, on a vue sur le couloir et les infirmiers qui circulent, et les passants – personnel médical et profanes – ont également vue sur les patients, assis sur un siège inconfortable, pas moyen de s’allonger, ni de s’isoler, quelle que soit leur condition.

C’est le début d’une longue et solitaire attente, dans un état pas formidable et avec une terrible envie de roupiller. Après quelques dizaines de minutes, Froggie se demande si on ne l’a pas tout simplement oubliée. Elle arrache les sortes de patchs laissés par inadvertance par l’infirmière débutante du sas (« aïe » X 6) et se recroqueville sur la chaise pour tâcher de dormir.

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Petit souvenir de l’hôpital

Un infirmier passe pour une prise de sang. Le résultat des analyses se fait attendre. A droite, il y a un très vieux monsieur (89 ans, déclare-t-il au médecin venu l’examiner) qui s’est réveillé avec un problème d’élocution ; à gauche, une femme qui a récemment accouché, à l’autre coin de la pièce,  un bonhomme ultra obèse qui apparemment des soucis pour marcher. Eh oui, on voit et entend presque tout. Si vous vouliez de la confidentialité, il fallait s’ouvrir la boîte crânienne, que diable ! Ici pas le temps pour les chichis, tout le monde est visiblement très occupé dans l’équipe. Finalement, après une attente de près de six heures, Froggie sort de l’hosto (pour les curieux, les amis de Froggie et les gens qui voudraient sa mort : RAS. Nous sommes d’accord, pour la peine ils auraient pu lui détecter un petit bacille virgule mais non, rien, nada, que dalle.)

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Il faut savoir que le NHS procure aussi des soins dans d’autres structures. Par exemple, en début d’année, les étudiants vont s’inscrire en masse au cabinet médical le plus proche. On vous refile un formulaire que vous mettez environ trois quarts d’heure à remplir (et ce dans une salle d’attente qui en général est déjà occupée par une vingtaine de personnes) : age, sexe, coordonnées, taille, poids, origine ethnique (question de stats, apparemment. Pas de case « amphibien/licorne/autre», Froggie s’est donc abstenue de répondre), précédents médicaux, fréquence de consommation d’alcool, de tabac et de drogue (étrangement, pas de catégorie « café » ou « geekage internet »), pointure, tour de tête, groupe de pop préféré et j’en passe.

En échange, on vous assigne un médecin (vous n’avez pas le choix en la matière) et vous avez droit à des rendez-vous éclairs, à supposer que vous ayez vraiment la volonté d’en obtenir. La ligne téléphonique est occupée en permanence ; on ne daigne vous écouter sur la ligne d’urgence que si vous lâchez d’atroces râles et quelques mots tels que « rupture d’anévrisme », « œdème cérébral » ou « Ebola ». Si, en désespoir de cause, vous vous déplacez (en taxi, à vélo ou sur les coudes) et vous pointez directement au cabinet, la réponse la plus probable sera « Rappelez plus tard ». Kafka, nous voilà. Mais rassurez-vous, en cas de problème il y a toujours … les urgences.

Cela dit, n’allez pas croire que tout est à jeter aux chiens dans le système de santé à l’anglaise. D’une part, la consultation seule chez votre médecin généraliste NHS est gratuite, si vous êtes inscrit. C’est seulement une fois en pharmacie, si/quand on va chercher sa prescription, que l’on paie une charge (plutôt modique) pour la visite. D’autre part, et pour revenir au sujet de l’hosto, il faut reconnaître que les personnels soignants, s’ils sont aussi débordés qu’une rivière par temps de déluge, sont la plupart du temps sympathiques et font globalement leur job.

Toutefois,  si vous allez en Angleterre et que vous n’êtes pas millionnaire, un conseil : n’ayez pas de problème de dents. Car si tel est votre cas, de deux choses l’une : soit vous vous présentez chez un dentiste privé avec un lingot de platine, soit vous faites appel à un dentiste NHS. Mais là, autant sonner chez votre voisin octogénaire et parkinsonien pour qu’il vous aide à arranger ce malheureux chicot : vous serez plus vite soigné, et pas forcément plus mal.

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We tested for you : the NHS (joys and pains of the British healthcare system)

Dear reader, if you are fiercely opposed to animal testing, this post – and this blog in general – is not for you. Short of a guinea pig, a frog had to bear the consequences of (her own) scientific curiosity.

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Word of the day: NHS

The Erasmus year abroad is, after all, as rich in new experiences as the student concerned wants. Be they in Beijing or Helsinki, they may as well settle for a life of perpetual bash and boozing out, patronizing the same Starbucks with they compatriots or extensive watching of American series (in their native language, of course).

But such is not the spirit of this blog. For you, reader, the crew has explored new territories, conformed to local traditions, striven to elucidate anthropological and cultural mysteries and paid minute attention to all the anecdotes and surprises of daily life in such a strange country as Britain.

For you, reader, we have pushed the limits of journalistic investigation, as today, we are going to deliver the conclusions of an enquiry in which Froggie’s health was involved.

 

Blogging: a demanding job

Blogging: a demanding job

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NHS. National Health Service. Three letters hiding a tremendous economic, social and political headache. In France, the system in charge of the citizens’ health was given a cute little nickname (“Sécu”, that is short for Social Security). Maybe because, deep down, we kind of like our healthcare system, in spite of the huge hole in its budget (N.B.: in France, “Healthcare system in deficit” is a pleonastic expression ). Conversely, its British counterpart goes under a cryptic name, a cold and abstract acronym – as if to muddy the already murky waters of care system, or to distance an inconvenient reality (a bit like OCD…).

The enquiry. In October, after incubating some pernicious germ or virus, Froggie suddenly felt faint in the middle of the library where she was studying. Let’s skip the biological details, but after an indefinite period of time, a student discovered the unconscious wreck of a frog lying in a hidden corner of the library – just next to the toilet. Shame on Froggie and her show-woman skills, she did not have a dramatic blackout in front of everybody – Frogs hide to pass out.

maladeLong story short, ambulancemen came, and for the sake of prudence took the amphibian wreck to the hospital for a routine check-up  – said wreck, by the way, did not really have her say, but so it goes.

After a brief call to a room where her vital signs were taken, Froggie – although her knees were like jelly – was asked to get her ass out of the stretcher and sit in another room. A common room, with six compartments hardly separated by flimsy curtains on the sides. No curtain in front of you, so that you can see, and be seen by, the nurses walking to and fro in the corridor as well as the visitors passing by. Sitting on an uncomfortable chair, whatever your condition there is no way you can lie down or have any privacy.

Thus began a long and lonely period of waiting, feeling not so great and terribly sleepy. After a few moments, Froggie starts wondering if the nurses have not simply forgotten about her. She tears off the kinds of patches inadvertently left by a novice nurse (“ouch” X 6) and curls up on the chair to try and have some rest.

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Nice little souvenirs from the hospital

A male nurse comes to take a blood sample, the results of which Froggie is to wait for. On the right is a very old fellow (89 years old, he tells the doc come to examine him) who woke up with difficulty speaking; on the right, a woman who has recently given birth, and, at the other corner of the room, a super obese guy who apparently has trouble walking. So yes, you can see and hear virtually everything – but hey, if you wanted some privacy, why didn’t you just crack your skull open? Here there is no time to fuss about this kind of things – everybody in the staff is obviously too busy. Eventually, after next to six hours waiting, Froggie get out of the hospital (and, for the curious reader, Froggie’s friends and those who for some reason would wish her dead: NTR. (Well, that’s good news, but still … after all that fuss, they could have diagnosed her with a virus or something, couldn’t they? But no, nothing, zero, zilch.)

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But it should be noted that the NHS also provides other healthcare structures. At the beginning of the academic year, for instance, students go and sign up en masse to the nearest surgery register. You are handed a form which will take you about fifty minutes to fill up – in a waiting room which is generally occupied by two dozens of people -: age, sex, contact details, height, weight, ethnicity (supposedly for the sake of stats. As there was no “amphibian/ unicorn/other” box, Froggie just skipped the question), medical precedents, frequency of alcohol/tobacco/drugs consumption (but, strangely enough, no question asked about coffee drinking or internet geeking), shoe size, head circumference, favourite pop group and whatnot.

In exchange, you are assigned to a doctor (you don’t get to chooses) and are entitled to expeditious appointments – provided you really want them. Their phone line is perpetually busy, and they only care to listen to you on the emergency line if you make horrible death rattle sounds and utter a few words such as “aneurysmal rupture”, “cerebral oedema” or « Ebola ». If in desperation you take on yourself to go to the surgery personally – crawling, cycling or by taxi – the answer you’ll most probably get is “call back later”. Kafka, here we come. But don’t worry, if any serious problem occurs, you can always resort to … the A&E.

That said, one should not throw the baby out with the bathwater of NHS shortcomings. First, GP consultations are “free” – provided you are signed up – : you only pay a fairly cheap fee for them once you go to fetch your prescription at the chemist’s. Furthermore, the hospital staff, as overwhelmed as they might be, are generally friendly and do their job.

However, if you go to Britain and are no millionaire, let me give you a piece of advice: don’t have any tooth issues. Ever. Because if such is your case, well, you can either go to a private dentist’s with a platinum bar, or go for an NHS dentist. But then, you’d better instead ask your eighty-year-old, Parkinson’s affected neighbour to fix your tooth: the treatment will be much faster, and not necessarily worse.

 denrist